Le Château des Brouillards, Roland Dorgelès, 1962 - Paris, la bohême en 1910 à Montmartre

Le château des Brouillards, Roland Dorgelès,  - chroniques de la vie montmartroise avant 1914 - Le Château des Brouillard est situé à Montmartre où Roland Dorgelès a vécu et où il y a fréquenté chansonniers, peintres et mauvais garçons. Il y évoque la vie joyeuse et bohême. 

L'hiver. un bel hiver rude et cinglant, traversé de rafales qui vous tranchaient les joues. Des trottoirs jusqu'aux toits, Montmartre était couvert de neige, et comme, en ce temps-là, les autos ne s'y hasardaient guère, la Butte, sitôt la nuit tombée, se transformait en village, personne hors de chez soi et les volets fermés.

A la montée de Paris, par la rue Lepic ou la place des Abbesses, quelques devantures éclairées traçaient encore la route, mais dès l'autre versant on se trouvait plongé dans l'ombre, les voyous du quartier s'exerçant au lance-pierres sur tous les becs de gaz, et il fallait chercher son chemin du bout de la semelle, en se cramponnant aux murs, à cause du verglas.

Pas de flâneurs : il faisait trop froid. Seulement, de loin en loin, une ménagère qui rentrait, son fichu sur le nez, ou bien un ouvrier attardé au café qui s'éloignait, transi, en soufflant du brouillard.

Quand deux rapins se rencontraient au Carrefour du Consulat d'Auvergne, ils se saluaient d'un grognement, sans desserrer les lèvres, puis s'engageaient de compagnie dans les ténèbres de la rue des Saules, sachant où ils aillaient. Ils ne marchaient pas vite, car la descente était mauvaise. Devant la borne-fontaine de la rue de l'Abreuvoir, il fallait même se mettre les bras en croix, l'eau ayant pris sur la chaussée, et des petites qui revenaient du Moulin de la Galette avaient retiré leurs souliers, aimant encore mieux y laisser leurs bas. - Bon, un de plus qui se ramasse, bougonnait le propriétaire du coin, réveillé à tout instant par des bordées de jurons. Mais une fois cette glissoire franchie, on n'avait plus qu'à se serrer contre la palissade du parc de la Belle Gabrielle et continuer tout droit.

A l'angle de la rue Saint-Vincent apparaissait une maisonnette aux fenêtres d'assommoir d'où s'échappaient des bouffées de chansons : c'était le Lapin Agile, on était arrivé."

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Description : format de poche, 242 pages, état correct : le dos de couverture est en partie fendillé, quelques rousseurs.